L’université au Québec : Enjeux et Défis
Un nouvel ouvrage collectif, L’université au Québec : Enjeux et défis, vient tout juste de paraître, dont un des co-directeurs, le Professeur Jason Luckerhoff, est co-chercheur à la Chaire.
Produit par le Laboratoire interdisciplinaire de recherche sur l’enseignement supérieur (LIRES), l’ouvrage collectif comble un manque important de recherche sur le système d’enseignement supérieur québécois.
📘 L’ouvrage est disponible en libre accès sur Érudit : https://www.erudit.org/fr/livres/lires/luniversite-au-quebec/
📰 Pour en savoir plus, lisez la critique du recteur de l’UQTR, Christian Blanchette, dans Affaires universitaires : https://www.affairesuniversitaires.ca/opinion-fr/une-somme-remarquable-sur-luniversite-quebecoise/
RÉFÉRENCE : Bégin-Caouette, Olivier, Émanuelle Maltais, Jean Bernatchez, Jason Luckerhoff, Martin Maltais et Michel Umbriaco, dir. L’université au Québec. Enjeux et défis. Consulté le 19 août 2025. https://www.erudit.org/fr/livres/lires/luniversite-au-quebec/ .
Bélanger et Godbout (2022; 2025) avancent que la théorie des clivages politiques permet de comprendre ce multipartisme. Cette théorie stipule que plus il existe de clivages autour d’enjeux polarisants, plus le nombre de partis augmente. Le clivage central, depuis les années 60, était celui du souverainisme versus fédéralisme, structurant le vote autour de la position constitutionnelle. Ainsi, les électeurs « souverainistes » votaient pour le PQ tandis que les « fédéralistes » votaient pour le PLQ. Cependant, après l’échec des référendums de 1980 et 1995 et la relégation de la « question nationale » à l’arrière-plan, d’autres clivages sont apparus, multipliant le nombre de partis. L’importance du clivage gauche-droite économique est notamment réapparue, opposant les partisans d’un État interventionniste à ceux du laissez-faire. Ces deux clivages structurent encore l’arène politique moderne : sur le statut constitutionnel, le PLQ et le PQ sont toujours aux antipodes, tandis que la CAQ (vers le fédéralisme) et QS (vers le souverainisme) se trouvent entre ces pôles. Sur le plan gauche-droite, QS se situe clairement à gauche, la CAQ à droite, le PQ (vers la gauche) et le PLQ (vers la droite) entre les deux.
Un troisième clivage structurant, lié à la gestion de la diversité, est toutefois apparu vers la fin du XXᵉ siècle, en lien avec l’augmentation de l’immigration et le déclin du taux de natalité. Il oppose les partisans du pluralisme à ceux défendant une approche intégrationniste, centrée sur la protection de la culture et de la langue. Ces enjeux sont devenus particulièrement médiatiquement et politiquement saillants avec la crise des accommodements raisonnables des années 2000.
Ce clivage identitaire s’enracine dans une insécurité culturelle de la majorité francophone au Québec, qui perçoit une menace face à la diversité, reflétant un désir historique de garantir la « survie » de la nation canadienne-française. Dans des moments où certains dangers sont perçus envers le groupe majoritaire, on constate un repli identitaire, donnant priorité à la protection de la culture et de la langue, ce qui peut nourrir des attitudes plus fermées, voire discriminatoires envers certains groupes externes. Selon Bélanger et Godbout, ce nouveau clivage est particulièrement responsable du réalignement politique actuel, avec la montée de la CAQ.
Bélanger et Godbout explorent deux dimensions de cette menace identitaire, liées mais distinctes : la perception d’une menace au statut du français au Québec, et la perception d’une menace à la « culture » québécoise, reflétant une incompatibilité perçue entre les valeurs découlant de la Révolution tranquille et de l’héritage catholique de la majorité francophone, et celles de certains groupes issus de l’immigration.
Sur la diversité, la CAQ et le PQ adoptent des positions intégrationnistes, tandis que le PLQ et QS privilégient le pluralisme. Les partisans du PQ et de la CAQ expriment les plus fortes inquiétudes sur la langue et la culture, tandis que ceux du PLQ et de QS se montrent moins préoccupés. Le PCQ adopte un profil singulier : ses électeurs craignent fortement l’immigration mais sont peu inquiets vis-à-vis la protection du français, reflétant les valeurs du PCQ qui semblent emprunter au modèle de droite libertarien et populiste américain. Cette perception d’une menace linguistique et culturelle est particulièrement saillante chez les électeurs de la CAQ, apparaissant comme un déterminant majeur de leur vote. Les partisans du PCQ sont aussi préoccupés par la diversité, et secondairement par la division gauche-droite. Le vote des autres partisans semble surtout déterminé par leurs positionnements sur les axes gauche-droite (QS) ou constitutionnel (PLQ et PQ). Ainsi, le clivage lié à la gestion de la diversité apparaît comme un facteur clé expliquant la montée de la CAQ et la transformation du système partisan québécois.
Lien vers l’article complet : Bélanger, Éric, et Jean-François Godbout. « Le sentiment de menace identitaire au Québec ». Politique et Sociétés 44, no 2 (2025). https://doi.org/10.7202/1118477ar.
